Ou voulez-vous aller?
Dites, la jeune belle,
Où voulez vous aller?
La voile enfle son aile,
La brise va souffler!
L’aviron est d’ivoire,
Le pavillon de moire,
Le gouvernail d’or fin;
J’ai pour lest une orange,
Pour voile une aile d’ange,
Pour mousse un séraphin.
Dites, la jeune belle,
Où voulez vous aller?
La voile enfle son aile,
La brise va souffler!
Est-ce dans la Baltique,
Dans la mer Pacifique,
Dans l’île de Java,
Ou bien est-ce en Norvège,
Cueillir la fleur des neige,
Ou la fleur d’Angsoka?
Dites, la jeune belle,
Où voulez vous aller?
La voile enfle son aile,
La brise va souffler!
“Menez-moi,” dit la belle,
“A la rive fidèle
Où l’on aime toujours.”
Cette rive, ma chère,
On ne la connaît guère
Au pays des amours.
Au Rossignol
Quand ta voix céleste prélude
Au silence des belles nuits,
Barde aîlé de ma solitude
Tu ne sais pas que je te suis
Tu ne sais pas que mon oreille
Suspendue à ta douce voix
De l’harmonieuse merveille
S’enivre longtemps sous les bois!
Tu ne sais pas que mon haleine
Sur mes lèvres n’ose passer!
Que mon pied muet foule à peine
La feuille qu’il craint de froisser!
Ah! ta voix touchante ou sublime
Est trop pure pour ce bas lieu!
Cette musique qui t’anime
Est un instinct qui monte à Dieu!
Tu prends les sons que tu recueilles
Dans les gazouillements des flots,
Dans les frémissements des feuilles,
Dans les bruits mourants des échos!
Et de ces doux sons où se mêle
L’instinct céleste qui t’instruit,
Dieu fit la voix, ô Philomèle!
Et tu fais ton hymne à la nuit!
Ah! ces douces scènes nocturnes,
Ces pieux mystères du soir
Et ces fleurs qui penchant leurs urnes
Comme l’urne d’un encensoir,
Et cette voix mystérieuse
Qu’écoutent les anges et moi,
Ce soupir de la nuit pieuse,
Oiseau mélodieux, c’est toi!
Oh! mèle ta voix à la mienne!
La même oreille nous entend;
Mais ta prière aérienne
Monte mieux au Ciel qui l’attend!
Ah! je ris de me voir si belle
O Dieu! que de bijoux!
est-ce un rève charmant
Qui m’éblouit, ou si je veille?
Mes yeux n’ont jamais vu de richesse pareille!
Si j’osais seulement
Me parer un moment
De ces pendants d’oreille!
Ah! voici justement,
Au fond de la cassette,
Un miroir! Comment
N’être pas coquette?
Ah! je ris de me voir
si belle en ce miroir,
Ah! je ris de me voir
si belle en ce miroir!
Est-ce toi, Marguerite,
est-ce toi?
Réponds-moi, réponds-moi,
Réponds, réponds, réponds vite!
Non! Non! ce n’est plus toi!
ce n’est plus ton visage;
C’est la fille d’un roi;
c’est la fille d’un roi!
Ce n’est plus toi,
ce n’est plus toi,
C’est la fille d’un roi;
Qu’on salut au passage!
Ah s’il était ici!
S’il me voyait ainsi!
Comme une demoiselle
Il me trouverait belle, Ah!
Comme une demoiselle,
il me trouverait belle,
Comme une demoiselle,
il me trouverait belle!
Marguerite, Ce n’est plus toi!
Ce n’est plus ton visage;
La, ce n’est plus ton visage;
Qu’on salut au passage!
Achevons la métamorphose!
Il me tarde encor d’essayer
Le bracelet et le collier!
Dieu! c’est comme une main qui sur mon bras se pose!
Ah! je ris de me voir
Si belle en ce miroir!
Est-ce toi, Marguerite?
Reponds-moi, reponds vite! –
Ah, s’il était ici! …
S’il me voyait ainsi!
Comme une demoiselle,
Il me trouverait belle.
Marguerite, ce n’est plus toi,
Ce n’est plus ton visage,
Non! c’est la fille d’un roi,
Qu’on salue au passage.
Le soir
Le soir ramène le silence.
Assis sur ces rochers déserts,
Je suis dans le vague des airs
Le char de la nuit qui s’avance.
Vénus se lève à l’horizon;
À mes pieds l’étoile amoureuse
De sa lueur mystérieuse
Blanchit les tapis de gazon.
Tout à coup détaché de cieux,
Un rayon de l’astre nocturne,
Glissant sur mon front taciturne,
Vient mollement toucher mes yeux.
Doux reflet d’une globe de flamme,
Charmant rayon que me veux-tu?
Viens-tu dans mon sein abattu
Porter la lumière à mon âme?
Descends-tu pour me révéler
Des mondes le divin mystère?
Ces secrets cachés dans la sphère
Où le jour va te rappeler?
Viens-tu dévoiler l’avenir
Au coeur fatigué qui t’implore?
Rayon divin, es-tu l’aurore
Du jour qui ne doit pas finir?
Serenade
Quand tu chantes, bercée
Le soir entre mes bras,
Entends-tu ma pensée
Qui te répond tout bas?
Ton doux chant me rappelle
Les plus beaux de mes jours.
Chantez, ma belle,
Chantez toujours!
Quand tu ris, sur ta bouche
L’amour s’épanouit,
Et soudain le farouche
Soupçon s’évanouit.
Ah! le rire fidèle
prouve un coeur sans détours!
Riez, ma belle,
Riez, toujours!
Quand tu dors, calme et pure,
dans l’ombre, sous mes yeux,
ton haleine murmure
des mots harmonieux.
Ton beau corps se révèle
sans voile et sans atours…
dormez, ma belle,
dormez toujours!
L’absent
Ô silence des nuits dont la voix seule est douce,
Quand je n’ai plus sa voix,
Mystérieux rayons, qui glissez sur la mousse
Dans l’ombre de ses bois,
Dites-moi si ses yeux, à l’heure où tout sommeille
Se rouvrent doucement
Et si ma bien-aimée, alors quemoi je veille,
Se souvient de l’absent.
Quand la lune est aux cieux, baignant de sa lumière
Les grands bois et l’azur;
Quand des cloches du soir qui tintent la prière
Vibre l’écho si pur,
Dites-moi si son âme, un instant recueillie,
S’élève avec leur chant,
Et si de leurs accords la paisible harmonie
Lui rappelle l’absent!
Where would you like to go?
Tell me, my pretty young girl,
where would you like to go?
The sail fills its wing,
the breeze is going to blow!
The oar is of ivory,
the pennant of silk,
the rudder of fine gold;
I have an orange for ballast,
for a sail, an angel’s wing,
for cabin boy, a seraph.
Tell me, my pretty young girl,
where would you like to go?
The sail fills its wing,
the breeze is going to blow!
Is it to the Baltic,
to the Pacific Ocean,
to the island of Java,
or rather, is it to Norway,
to gather the snow flower,
or the flower of Angoska?
Tell me, my pretty young girl,
where would you like to go?
The sail fills its wing,
the breeze is going to blow!
“Lead me,” said the pretty one,
“to the faithful shore
where one loves for ever.”
That shore, my darling,
is hardly known
in the land of loves.
To the Nightingale
When your celestial voice presages
The silence of serene nights
Winged bard of my solitude
I know not what I am to you.
You do not know that my ear
Is in suspense at your sweet voice,
At these harmonious marvels,
I remain long intoxicated in the wood!
I do not know if my breath
Dare pass over my lips!
If my silent foot barely treads upon
the leaf that it dreads to rustle.
Ah your voice touching the sublime
is too pure for this low place!
This music which animates you
is an instinct that mounts to God!
You take the sounds that you gather
in the babbling of the waves,
in the fluttering of leaves,
in the dying noises of echoes!
And these soft sounds are mingled
By the divine instinct that guides you,
The Lord made your voice, o Philomel!
And you make your hymn to the night!
Ah! these sweet nocturnal scenes,
These reverent mysteries of the night
And the flowers that incline their trumpets
Like the urn of a censer.
And this mysterious voice
that the angels and myself both hear,
This sigh of the suppliant night,
Melodious bird, ’tis thou!.
Oh! blend your voice with mine!
The same ear hears us;
But your etherial prayer
Mounts better to the sky that awaits it.
Jewel Song
O goodness! What a lot of jewels!
Is this some bewitching dream
Which dazzles me,
Or am I really awake?
If only I dared
Adorn myself, for a moment,
With these earrings!
Ah! there is a mirror
At the bottom of the casket!
How could one help admiring oneself?
Ah, I laugh to see myself
so beautiful in this mirror,
Ah, I laugh to see myself
so beautiful in this mirror,
Is it you, Marguerite,
it is you?
Answer me, answer me,
Respond, respond, respond quickly!
No No! it’s no longer you!
it’s no longer your face;
It’s the daughter of a king!
It’s no longer you,
It’s the daughter of a king,
One must bow to her as she passes!
Ah if only he were here!
If he should see me thus
Like a lady
He would find me so beautiful, Ah!
Like a lady,
he would find me beautiful,
Like a lady,
he would find me beautiful!
Marguerite, it’s no longer you!
it’s no longer your face;
Yes, it’s no longer your face;
One must bow to her as she passes.
Let’s complete the transformation!
I am longing to try on as well
The bracelet and the necklace!
Gracious! It feels like a hand
Clasping my wrist.
Ah, I laugh to see myself
so beautiful in this mirror,
Ah, I laugh to see myself
so beautiful in this mirror,
Is it you, Marguerite,
it is you?
Answer me, answer me,
Respond, respond, respond quickly!
No No! it’s no longer you!
it’s no longer your face;
It’s the daughter of a king,
It’s the daughter of a king!
It’s no longer you,
It’s the daughter of a king,
One must bow to her as she passes!
The Night
The evening brings back silence.
Seated on these deserted rocks,
I am in the waves of breeze from
The chariot of the advancing night.
Venus rises on the horizon;
At my feet, the amorous star
In its mysterious glitter
The carpet of grass pales.
Suddenly, a ray of light detaches
From the nocturnal star,
It slides over my silent forehead,
And comes to softly touch my eyes.
Soft reflection of that fiery sphere,
Charming ray, what do you want of me?
Have you come to my battered breast
To bring light to my soul?
Have you descended to reveal to me
Worlds of divine mystery?
These secrets hidden in the sphere
Where the day goes to recall you?
Have you come to unveil the future
To the tired heart which implores you?
Divine ray, are you the dawn
Of the day which never has to end?
Serenade
When you sing in the evening
cradled in my arms,
can you hear my thoughts
softly answering you?
Your sweet song recalls to me
the happiest days I’ve known.
Sing, sing, my pretty one,
sing on forever!
When you laugh,
love blossoms on your lips,
and at once cruel
suspicion vanishes.
Ah, faithful laughter
shows a heart without guile.
Laugh, laugh, my pretty one,
laugh on forever!
When you sleep calm and pure
beneath my gaze, in the shadow,
your breathing murmurs
harmonious words.
Your lovely body is revealed
without veil or finery.
Sleep, sleep, my pretty one,
sleep on forever!
The Absent One
Silence of the night, whose voice alone is sweet,
when I no longer hear her voice,
Mysterious rays, gliding over the moss
in the shadow of the woods,
tell me if her eyes, when all else sleeps,
open softly
and if my beloved, while I watch,
remembers the absent one.
When the moon is in the heavens, bathing with her light
the woods and the blue,
when the evening bells’ call to prayer
vibrates the pure echo,
tell me if her soul, withdrawn a moment,
rises up with their song,
and whether their chords of peaceful harmony
remind her of the absent one!