Adieux de l’hôtesse arabe: Victor Hugo (1802-1885)

Puisque rien ne t’arrête en cet heureux pays, Ni l’ombre du palmier, ni le jaune maïs, Ni le repos, ni l’abondance, Ni de voir à ta voix battre le jeune sein De nos sœurs, dont, les soirs, le tournoyant essaim Couronne un coteau de sa danse,

Adieu, beau voyageur, hélas, Oh ! que n’es-tu de ceux Qui donnent pour limite à leurs pieds paresseux Leur toit de branches ou de toiles ! Qui, rêveurs, sans en faire, écoutent les récits, Et souhaitent, le soir, devant leur porte assis, De s’en aller dans les étoiles !

Si tu l’avais voulu, peut-être une de nous, O jeune homme, eût aimé te servir à genoux Dans nos huttes toujours ouvertes ; Elle eût fait, en berçant ton sommeil de ses chants, Pour chasser de ton front les moucherons méchants, Un éventail de feuilles vertes.

Si tu ne reviens pas, songe un peu quelquefois Aux filles du désert, sœurs à la douce voix, Qui dansent pieds nus sur la dune ; O beau jeune homme blanc, bel oiseau passager, Souviens-toi, car peut-être, ô rapide étranger, Ton souvenir reste à plus d’une !

Since nothing holds you to this happy land, neither the shade of a palm tree nor the yellow corn, neither rest nor abundance nor seeing beat at the sound of your voice the youthful breasts of our sisters, whose dance, like that of a hive of bees, crowns the evening hills.

Adieu, handsome traveler. Alas! Oh, why aren’t you one of those who limit their lazy feet to their own roofs of branches or canvas! Who, dreamers, listen to stories without making any, and dream of flying away to the stars, sitting before their doors in the evening?

Had you wished it, perhaps one of us, young man, would have liked to serve you, kneeling, in our huts that are always open. She would have lulled you to sleep and made a fan of green leaves to chase away the flies from your brow.

If you don’t come back, think sometimes on the desert’s daughters, soft-voiced sisters dancing barefoot on the dune. Handsome young white man, lovely bird of passage, remember, for perhaps, oh rapid stranger, your memory remains in more than one of them!


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Douce mer: Alphone Marie Louis de Lamartine (1790-1869)

Murmure autour de ma nacelle, Douce mer dont les flots chéris, Ainsi qu’une amante fidèle, Jettent une plainte eternelle Sur ces poétique débris.

Que j’aime à flotter sur ton onde, À l’heure où du haut du rocher L’oranger, la vigne féconde, Versent sur ta vague profonde Une ombre propice au nocher!

Souvent, dans ma barque sans rame, Me confiant à ton amour, Comme pour assoupir mon âme, Je ferme au branle de ta lame Mes regards fatigués du jour.

Sweet Ocean

Murmur around my little boat, sweet sea whose beloved waves like a faithful lover cast an eternal lament on these poetic ruins.

How I love to float on your swell, at the hour when from the height of the rock, the orange tree and the fertile vine shed on your depths a friendly shadow for the boatman.

Often in my oarless boat, entrusting myself to your love, as though to rock my soul to sleep, I close, to the motion of your waves, my eyes, worn out by the day.


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Chanson d’avril: Louis Bouilhet (1822-1869)

Lève-toi! lève-toi! le printemps vient de naître! Là-bas, sur les vallons, flotte un réseau vermeil! Tout frissonne au jardin, tout chante et ta fenêtre, Comme un regard joyeux, est pleine de soleil!

Du côté des lilas aux touffes violettes, Mouches et papillons bruissent à la fois Et le muguet sauvage, ébranlant ses clochettes, A réveillé l’amour endormi dans les bois!

Puisqu’Avril a semé ses marguerites blanches, Laisse ta mante lourde et ton manchon frileux, Déjà l’oiseau t’appelle et tes soeurs les pervenches

Te souriront dans l’herbe en voyant tes yeux bleus!

Viens, partons! au matin, la source est plus limpide; Lève-toi! viens, partons! N’attendons pas du jour les brûlantes chaleurs; Je veux mouiller mes pieds dans la rosée humide, Et te parler d’amour sous les poiriers en fleurs.

April Song

Get up! Get up! Spring has just been born! Over those valleys a rosy mist is floating! Everything in the garden trembles and sings; your window is full of sunshine, like a joyful gaze.

Around the bunches of purple-flowering lilac butterflies and bees flutter and hum together, and the little shaking bells of lily-of-the-valley have woken up Eros who was sleeping in the woods.

Now that April has scattered its white daisies, go without your heavy cloak and cold-weather muff! The birds are already calling you, and the periwinkles (your sisters) will smile in the grass when they see your blue eyes.

Let’s get going! The stream is clearer in early morning. Get up! Let’s not wait for the day’s burning heat.

I want to wet my feet in the moist dew and talk to you of love under the blossoming pear-trees.


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Pearl Fishers Duet Zurga: C’était le soir ! Dans l’air par la brise attiédi, Les brahmines au front inondé de lumière, Appelaient lentement la foule à la prière ! Nadir: Au fond du temple saint paré de fleurs et d’or, Une femme apparaît ! Zurga: Une femme apparaît ! Nadir: Je crois la voir encore ! Zurga: Je crois la voir encore ! Nadir: La foule prosternée La regarde, étonnée, Et murmure tous bas : Voyez, c’est la déesse Qui dans l’ombre se dresse, Et vers nous tend les bras ! Zurga: Son voile se soulève ! Ô vision ! ô rêve ! La foule est à genoux ! Both: Oui, c’est elle ! C’est la déesse Plus charmante et plus belle ! Oui, c’est elle ! C’est la déesse Qui descend parmi nous ! Son voile se soulève Et la foule est à genoux ! Nadir: Mais à travers la foule Elle s’ouvre un passage ! Zurga: Son long voile déjà Nous cache son visage ! Nadir: Mon regard, hélas ! La cherche en vain ! Zurga: Elle fuit ! Nadir: Elle fuit ! Mais dans mon âme soudain Quelle étrange ardeur s’allume ! Zurga: Quel feu nouveau me consume ! Nadir: Ta main repousse ma main ! Zurga: Ta main repousse ma main ! Nadir: De nos cœurs l’amour s’empare, Et nous change en ennemis ! Zurga: Non, que rien ne nous sépare ! Nadir: Non, rien ! Zurga: Que rien ne nous sépare. Nadir: Non, rien ! Zurga: Jurons de rester amis ! Nadir: Jurons de rester amis ! Zurga: Jurons de rester amis ! Both: Oh oui, jurons de rester amis ! Oui, c’est elle ! C’est la déesse ! En ce jour qui vient nous unir, Et fidèle à ma promesse, Comme un frère je veux te chérir ! C’est elle, c’est la déesse Qui vient en ce jour nous unir ! Oui, partageons le même sort, Soyons unis jusqu’à la mort !
Pearl Fishers Duet It was in the evening! In the air cooled by a breeze, The brahmanes with faces flooded with light, Slowly called the crowd to prayer! At the back of the holy temple, decorated with flowers and gold, A woman appears! A woman appears! I can still see her! I can still see her! The prostrate crowd looks at her amazed and murmurs under its breath: look, this is the goddess looming up in the shadow and holding out her arms to us. Her veil parts slightly. What a vision! What a dream! The crowd is kneeling. Yes, it is she! It is the goddess, more charming and more beautiful. Yes, it is she! It is the goddess who has come down among us. Her veil has parted and the crowd is kneeling. But through the crowd she makes her way. Already her long veil hides her face from us. My eyes, alas! Seek her in vain! She flees! She flees! But what is this strange flame which is suddenly kindled in my soul! What unknown fire is destroying me? Your hand pushes mine away! Your hand pushes mine away! Love takes our hearts by storm and turns us into enemies! No, let nothing part us! No, nothing! Let nothing part us! No, nothing! Let us swear to remain friends! Let us swear to remain friends! Let us swear to remain friends! Oh yes, let us swear to remain friends! Yes, it is she, the goddess, who comes to unite us this day. And, faithful to my promise, I wish to cherish you like a brother! It is she, the goddess, who comes to unite us this day! Yes, let us share the same fate, let us be united until death!

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Absence: Pierre-Jule-Théophile Gautier (1811-1872)

Reviens, reviens, ma bien-aimée ! Comme une fleur loin du soleil, La fleur de ma vie est fermée, Loin de ton sourire vermeil.

Entre nos coeurs quelle distance ! Tant d’espace entre nos baisers ! Ô sort amer! ô dure absence ! Ô grands désirs inapaisés !

Au pays qui me prend ma belle, Hélas! si je pouvais aller ; Et si mon corps avait une aile Comme mon âme pour voler !

Par-dessus nos vertes collines, Les montagnes au front d’azur, Les champs rayés et les ravines, J’irais d’un vol rapide et sûr.

Le corps ne suit pas la pensée; Pour moi, mon âme, va tout droit, Comme une colombe blessée, T’abattre au rebord de son toit.

Et dis, mon âme, à cette belle : «Tu sais bien qu’il compte les jours! Ô ma colombe! à tire d’aile, Retourne au nid de nos amours.»

Absence

Come back, come back, my dearest love! Like a flower far from the sun, The flower of my life has drooped, removed from the charm of your smile.

Between our hearts how long a distance! What a wide space our kisses divide! O bitter fate! O cruel absence! O longing vain, unsatisfied!

To that far land where dwells my love, Alas! if I could only go! If wings were tied to my body, As to my soul, then I would fly!

Far away, above the green hill tops, The lofty mountains with peaks of blue, The meadows gay, the babbling rivers, With quick, sure wing I’d take my flight!

The body can’t keep up with thought! With me the spirit goes ahead, Just like a poor dove that is wounded And lights on the roof of his cot.

And say, my soul, to my sweetheart: O my own dove! fly with all swiftness, Back to the nest hallowed with love! You know well that he counts the days!


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Habanera from Carmen L’amour est un oiseau rebelle Que nul ne peut apprivoiser, Et c’est bien in vain qu’on l’appelle S’il lui convient de refuser. Rien n’y fait, menace ou prière. L’un parle bien, l’autre se tait. Et c’est l’autre que je préfère. Il n’a rien dit mais il me plait.

L’amour! L’amour! L’amour! L’amour!

L’amour est enfant de Bohême, Il n’a jamais jamais connu de loi. Si tou ne m’aimes pas, je t’aime. Si je t’aime, prends garde à toi!

L’oiseau que tu croyais surprendere Battit d’aile et s’envola. L’amour est loin, tu peux l’attendre. Tu ne l’attends pas, il est là.

Tout atour de toi, vite vite, Il vient, s’en va, puis il revient. Tu crois le tenir, il t’evite. Tu crois l’eviter, il te tient.

L’amour! L’amour! L’amour! L’amour!

L’amour est enfant de Bohême, Il n’a jamais jamais connu de loi. Si tou ne m’aimes pas, je t’aime. Si je t’aime, prends garde à toi!

Habanera from Carmen Love is a rebellious bird that nobody can tame, and you call him quite in vain if it suits him not to come. Nothing helps, neither threat nor prayer. One man talks well, the other’s mum; it’s the other one that I prefer. He’s silent but I like his looks.

Love! Love! Love! Love!

Love is a gypsy’s child, it has never, ever, known a law; If you love me not, then I love you; and if I love you, you’d better watch out! (repeats above).

The bird you thought you had caught beat its wings and flew away … love stays away, you wait and wait; when least expected, there it is!

All around you, swift, so swift, it comes, it goes, and then returns … you think you hold it fast, it flees you think you’re free, it holds you fast.

Love! Love! Love! Love!

Love is a gypsy’s child, it has never, ever, known a law; If you love me not, then I love you; and if I love you, you’d better watch out!


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Ouvre ton cœur: Louis Delatre (1815-1893)

La marguerite a fermé sa corolle, L’ombre a fermé les yeux du jour. Belle, me tiendras-tu parole? Ouvre ton coeur à mon amour.

Ouvre ton coeur, ô jeune ange, à ma flamme, Qu’un rêve charme ton sommeil. Je veux reprendre mon âme, Comme une fleur s’ouvre au soleil!

Open your heart

The daisy has closed its petals, The shadow has closed its eyes for the day. Beauty, will you speak with me? Open your heart to my love.

Open your heart, o young angel, to my flame So that a dream may enchant your sleep. I wish to reclaim my soul, As a flower turns to the sun!